Avec la hausse des prix de l’énergie, le revenu disponible des Français a diminué de 720 € au cours du premier semestre 2022. En dépit du contexte économique, certains secteurs d’activité semblent tirer leur épingle du jeu, à commencer par l’industrie du tabac : alors que les cigarettiers entament en moyenne le pouvoir d’achat des fumeurs français à hauteur de 2 484 € par an, ils réalisent chaque année 21,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires uniquement en France. Et comme pour l’inflation, ce sont avant tout les personnes les plus précaires qui en font les frais : plus le revenu est faible, plus la prévalence du tabagisme quotidien est élevée.
En ce mois de janvier, l’ACT-Alliance contre le tabac lance sa campagne de sensibilisation pour démontrer qu’au-delà d’accroître les difficultés financières des fumeurs, la consommation de tabac creuse les inégalités sociales et de santé. L’association plaide également pour la mise en place de mesures innovantes, spécifiquement adaptées aux populations les plus modestes : améliorer l’information et l’accès aux substituts nicotiniques ainsi que la mise en place d’incitations financières à l’arrêt du tabac.
Les cigarettiers n’accroissent pas seulement les difficultés financières, ils aggravent également les inégalités sociales : aujourd’hui, on compte près de 2 fois plus de fumeurs quotidiens parmi le tiers de la population française dont les revenus sont les moins élevés, par rapport à ceux ayant les revenus les plus élevés. Ce constat se vérifie également quand on regarde d’autres indicateurs tels que le niveau de diplôme et la situation professionnelle. Or le tabagisme tue un fumeur sur deux et est encore responsable en France de 75 000 décès prématurés par an.
« Plusieurs facteurs psychosociaux et socio-économiques peuvent expliquer une prévalence tabagique plus forte chez les personnes les plus modestes. On sait que les difficultés de la vie qu’elles rencontrent, tout comme le fait d’avoir des parents fumeurs, accroissent les risques de consommer soi-même des produits du tabac. », explique Marion Catellin, directrice de l’ACT-Alliance contre le tabac. « Plus éloignées du système de soins et moins réceptives aux messages habituels de prévention, ces personnes ont également moins de chances d’accéder à un accompagnement dans la durée, dans le cadre de leur sevrage tabagique. C’est pourquoi il est nécessaire de prendre des mesures novatrices, spécifiquement adaptées à ce public ! »
Recommandés par la Haute Autorité de Santé dans le cadre d’un sevrage tabagique, les substituts nicotiniques sont des outils essentiels pour accompagner un fumeur, augmentant ses chances de réussite de 50 à 70 %. Pourtant, le recours à ces traitements médicamenteux reste trop peu prescrits par les professionnels de santé et utilisés par les patients.
C’est pourquoi, l’ACT estime qu’il est nécessaire d’améliorer l’information sur la prescription et le remboursement des substituts nicotiniques à travers des campagnes de sensibilisation nationales, à destination des professionnels de santé et des fumeurs. L’association réclame également la gratuité de ce traitement qui n’est pas, pour une partie de la population, intégralement pris en charge. Si ces substituts prescrits étaient à 100 % remboursés, plus de 3/4 des fumeurs estiment qu’ils seraient plus motivés à arrêter de fumer.
Afin d’inciter les fumeurs les plus défavorisés à se faire aider, l’ACT demande l’expérimentation d’incitations financières sous conditions de ressources. Ce dispositif innovant, qui a déjà fait ses preuves dans les pays anglo-saxons et même en France auprès d’un public spécifique, vise à récompenser l’arrêt du tabac par un don, sous forme de bons d’achat ou d’espèces.
Le financement d’une telle expérimentation à l’échelle nationale permettra de déterminer l’efficacité et les modalités pratiques de mise en œuvre, particulièrement concernant la nature du don, leur régularité et le contrôle de l’abstinence.
L’ACT est convaincue qu’un tel programme constituerait pour les ménages les plus modestes une motivation supplémentaire à l’arrêt du tabac : plus de deux tiers des fumeurs affirment que recevoir une aide de l’Etat les inciterait davantage à arrêter de fumer. Une proportion d’autant plus importante pour les fumeurs ayant des enfants à charge (75% pour les personnes ayant au moins un enfant entre 4 et 18 ans).
Afin de démontrer que la cigarette n’est pas l’amie du précaire mais de la précarité, l’ACT-Alliance contre le tabac lance sa campagne de sensibilisation construite en deux temps, dès le mois de janvier.
Temps 1 : l’ACT profite de la période des vœux pour souhaiter, au nom de l’industrie du tabac, une mauvaise année 2023. A travers ce message ironique, le collectif entend dénoncer à quel point les cigarettiers s’enrichissent sur le dos des fumeurs, tout en creusant les inégalités sociales. Lancé dès le 2 janvier, le dispositif média (insertions presse et sponsorisation sur les réseaux sociaux) sera amplifié à travers un partenariat avec le média Brut.
Temps 2 : l’ACT compte s’appuyer sur la période des soldes d’hiver pour faire le parallèle entre la consommation de tabac et le pouvoir d’achat. A travers l’accroche « Et vous, de quoi vous prive l’industrie du tabac ? », l’association invite les fumeurs à envisager ce qu’ils pourraient acheter s’ils ne fumaient pas. Pour ce faire, l’ACT a créé des publicités promouvant des biens de consommation utiles et désirés par une grande part de la population (une voiture, une télévision, une doudoune, etc.) en affichant non pas les prix réels, mais l’équivalence en paquets de cigarettes. Cette campagne d’affichage nationale sera visible dès le 30 janvier dans la presse, sur 40 parkings de supermarchés, sur les caddies de 70 magasins Leclerc répartis sur toute la France, et sur les réseaux sociaux Meta (Facebook et Instagram).