Le tabac est encore en France la première cause de décès évitables en provoquant plus de 200 morts chaque jour. Si le mieux est encore de ne pas commencer à fumer, le lancement du quatrième « Mois Sans Tabac » offre aux fumeurs une bonne occasion d’arrêter. Mais comment y parvenir ? Et avec quel recours ? Interdite en Inde, récemment remise en question aux Etats-Unis et sous surveillance en France, la cigarette électronique constitue-t-elle une alternative efficace ? L’Alliance contre le Tabac propose son décryptage expert du sujet pour guider le public dans ses choix à la veille d’un mouvement national en faveur de l’arrêt du tabac, réelle priorité de santé publique.
Le phénomène de combustion du tabac, qui libère du monoxyde de carbone (CO), est un des facteurs à l’origine de l’infarctus du myocarde ; les goudrons étant responsables de nombreux cancers (poumons et 17 autres types de cancers, …). Au total, ce sont plus de 4 000 substances toxiques que l’on retrouve dans la fumée de tabac, dont plus de soixante-dix sont cancérigènes. Rappelons que tous les modes de consommation de tabac (cigarette avec ou sans filtre, cigares, cigarillos, pipe, chicha) sont à risque et qu’il n’y a pas de petit tabagisme, puisque l’exposition à quelques cigarettes quotidiennes et même à un tabagisme passif comporte un risque significatif tant cardiovasculaire que de cancer. Il importe que des non-fumeurs ne soient pas exposés à ce produit et en particulier les jeunes. Enfin, la nicotine. Elle n’est pas l’élément responsable des cancers ni des accidents cardiovasculaires. Il s’agit cependant d’une substance psychoactive puissante qui provoque la forte dépendance au tabac. Cette dépendance conduit à la consommation de tabac qui, elle, expose au CO et autres substances cancérigènes. La nicotine est toutefois un traitement utile pour sortir du tabac grâce à son usage médical, la substitution nicotinique, qui n’expose pas aux dangers du tabac.
> La e-cigaretteLa question de la nocivité de la e-cigarette a été posée récemment à la lumière des décès par pneumopathies survenus chez des vapoteurs aux Etats-Unis. L’ACT s’est déjà prononcée sur la e-cigarette : lorsqu’elle est utilisée avec les produits adaptés, elle est vraisemblablement moins toxique que la cigarette traditionnelle, car il n’y a ni tabac, ni combustion, donc pas d’émission de CO et beaucoup moins de substances toxiques et à des doses bien moindres. Les vraies causes des événements survenus aux États-Unis ne sont pas encore connues. Des e-liquides de provenance douteuse à base de dérivés huileux du cannabis sont impliqués dans un très grand nombre de cas. En France, les e-cigarettes et les e-liquides font l’objet de nombreux contrôles et sont enregistrés à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) avant leur commercialisation. Cependant, pour renforcer la vigilance, Santé Publique France a récemment mis en place un dispositif de signalement des pneumopathies sévères liées au vapotage.
L’industrie du tabac ne s’en cache pas : la mise sur le marché du tabac chauffé a très clairement pour objectif de contrer le succès du vapotage et la baisse des ventes des produits du tabac. La promesse ? Une nocivité prétendue moindre compte tenu de l’absence de combustion du tabac. L’ACT tient à souligner que ces nouveaux produits du tabac visent avant tout à renormaliser la consommation et donc la vente de tabac. D’autre part, l’argument de la moindre nocivité est une tactique utilisée par les compagnies qui commercialisent ces produits pour obtenir une taxation favorable leur permettant de gonfler les marges de profit par rapport à la cigarette.
Il faut souligner que ces produits n’ont rien de commun avec la e-cigarette, car le chauffage produit des substances toxiques, certaines même en plus grande quantité que la cigarette. On ne peut donc pas parler de réduction de risque, contrairement à ce qu’annoncent les industriels du tabac. Selon le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue, secrétaire général de l’Alliance contre le tabac « le tabac chauffé se fume en cinq minutes, produit un pic de nicotine dans le sang qui est responsable de l’addiction. L’industrie du tabac cherche ni plus ni moins à créer ou entretenir une dépendance vers un nouveau produit du tabac. »
Sur la base des données épidémiologiques disponibles, Alliance contre le Tabac tire la sonnette d’alarme sur ces nouveaux produits, qui représentent un vrai problème de santé publique. « En fait, le tabac chauffé se positionne plus comme un produit d’entrée et de maintien en tabagie en ciblant fortement les jeunes que comme un produit de sortie du tabac. » insiste le Pr Loïc Josseran, président de l’Alliance contre le Tabac, « Les cigarettiers comme BAT ou Philippe Morris manipulent le public en qualifiant ces nouveaux produits de révolution technologique et sanitaire », ajoute-t-il.
L’ACT a publié un avis critique sur le tabac chauffé.
La cigarette électronique peut représenter une aide transitoire dans le cadre d’un sevrage. L’Alliance s’associe toutefois à l’OMS en rappelant que le vrai bénéfice ne peut être obtenu que par un arrêt complet du tabac : c’est là l’objectif à atteindre. En revanche, l’ACT déconseille très fortement l’usage de la cigarette électronique pour les non-fumeurs et pour les fumeurs qui voudraient l’utiliser en alternance avec la cigarette. À ce jour, aucune étude n’a démontré l’innocuité de ce dispositif sur le long terme. Pour éviter le développement d’un usage récréatif, chez les plus jeunes en particulier, l’ACT rappelle l’interdiction de la vente aux mineurs de ce type de produits.
D’autres stratégies peuvent être envisagées pour un arrêt durable et efficace du tabac.
Enfin, il est fortement déconseillé aux femmes enceintes d’utiliser tous ces produits (tabac, tabac à chauffer, e-cigarette).
Afin d’éclairer les professionnels de santé spécialisés sur le sujet et leur permettre d’émettre des recommandations claires sur l’usage de la e-cigarette, une étude nationale a été lancée par l’Assistance Public-Hôpitaux de Paris. Menée dans 11 hôpitaux et un dispensaire, son objectif est d’évaluer et de mesurer l’efficacité de la cigarette électronique par rapport au médicament le plus efficace d’aide au sevrage tabagique (varénicline).
L’essai est mené sur un échantillon de 650 personnes âgées de 18 à 70 ans, fumant au moins 10 cigarettes par jour et souhaitant arrêter de fumer. Les participants sont suivis durant 6 mois après l’arrêt du tabac ; ils sont pris en charge par des médecins spécialisés dans le sevrage tabagique qui leur fournissent gratuitement une cigarette électronique à puissance réglable et des liquides spécifiques avec ou sans nicotine, ainsi que des comprimés de varénicline, molécule qui aide au sevrage tabagique, ou sa version placebo. L’arrêt du tabac est prévu dans les 7 à 15 jours suivant le démarrage de l’étude.
Cette étude a recruté à ce jour près de 300 fumeurs et continue à recruter. Les fumeurs intéressés pour participer à cette étude peuvent appeler le numéro suivant : 06 22 93 86 09.